Avis N° 43.032
Doc. parl. N° 4265

Projet de loi 1° approuvant le protocole additionnel portant modification de la Convention belgo-franco-luxembourgeoise relative à l'exploitation des chemins de fer du Grand-Duché, signée à Luxembourg, le 17 avril 1946; 2° approuvant les statuts modifiés de la Société Nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois (CFL) et 3° concernant les interventions financières et la surveillance de l'Etat à l'égard des CFL. ----------------------------------------------------------------------------------------------------

Avis du Conseil d'Etat
(18 février 1997)

Par dépêche du 9 janvier 1997, le Premier Ministre a saisi le Conseil d'Etat pour avis du projet de loi sous rubrique. Le texte du projet de loi, élaboré par la ministre des Transports, était accompagné d'un exposé des motifs, d'un projet de nouveaux statuts de la Société Nationale des Chemins de Fer Luxembourgeois ainsi que d'un projet de Protocole additionnel modifiant la Convention belgo-franco-luxembourgeoise relative à l'exploitation des chemins de fer du Grand-Duché, signée à Luxembourg le 17 avril 1946.

La version définitive de ce protocole additionnel, signé à Luxembourg, le 28 janvier 1997 est parvenue au Conseil d'Etat le 6 février 1997.

Par dépêche du 29 janvier 1997, et en se basant sur l'article 19 paragraphe (2) de la loi du 12 juillet 1996 portant réforme du Conseil d'Etat, le Président de la Chambre des députés est intervenu auprès du Conseil d'Etat en vue de l'émission rapide de son avis pour mettre la Chambre des députés en mesure d'adopter le projet de loi dans la semaine du 24 février 1997, en raison du fait que les mandats actuels des administrateurs des CFL allaient expirer fin février 1997.

Le 13 février 1997, le Conseil d'Etat a reçu communication d'une copie certifiée conforme des pleins pouvoirs autorisant le ministre des Transports à signer le protocole additionnel.

Par une dépêche du Premier Ministre du 17 février 1997, un deuxième amendement au projet de loi sous examen est parvenu au Conseil d'Etat. A cette lettre étaient joints un commentaire, ainsi que deux notes verbales des ambassades de Belgique et de France par lesquels le Gouvernement luxembourgeois est informé de l'accord des autorités belges et françaises avec le projet de modification des statuts des CFL et avec le projet de Protocole additionnel modifiant la Convention belgo-franco-luxembourgeoise de 1946, signé le 28 janvier 1997 à Luxembourg.

Le Conseil d'Etat ne partage pas l'analyse du Président de la Chambre des députés suivant laquelle la non adoption du projet de loi dans les délais souhaités était de nature à créer un vide juridique. Aucune disposition de la loi existante n'interdit une prorogation des mandats d'administrateurs qui viendront à échéance, du moins aussi longtemps que les structures juridiques nouvelles ne seront pas mises en place.

Le Conseil d'Etat ignore si les avis des chambres professionnelles ont été demandés au sujet du présent projet de loi. En tout cas, aucun avis d'une chambre professionnelle n'a été porté à sa connaissance à la date d'adoption du présent avis. Vu l'importance que revêt le projet sous avis tant pour l'économie nationale, que pour les différentes catégories de personnel directement concernés, la mise à disposition des avis des chambres professionnelles aurait été hautement souhaitable.

Considérations générales.

Le projet de loi faisant l'objet du présent avis, tout comme les nouveaux statuts et le protocole additionnel qu'il se propose d'approuver, s'inscrit dans le souci du Gouvernement de moderniser le cadre légal dans lequel l'activité des chemins de fer est appelée à se développer à l'avenir. A la suite des directives communautaires dites de libération et de dérégulation, le transport ferroviaire relève dorénavant du Marché Unique. Ainsi, les CFL ont perdu la jouissance exclusive du réseau national, mais en gardent la gestion depuis la loi du 10 mai 1995 relative à la gestion de l'infrastructure ferroviaire. Ils continuent cependant à rester investies de certaines missions de service public, tandis que toutes les autres activités se poursuivent dans le cadre d'une concurrence désormais internationale.

L'adoption de la loi du 10 mai 1995 précitée, tout comme l'adoption prochaine du projet de loi relative à l'accès à l'infrastructure ferroviaire et à son utilisation, projet de loi ayant principalement pour objet de transposer en droit luxembourgeois les directives communautaires 95/18/CE et 95/19/CE du 19 juin 1995, auraient été suffisantes pour mettre les chemins de fer luxembourgeois en règle avec les exigences communautaires actuelles. C'est ce que les auteurs du projet sous avis qualifient de solution "minimaliste".

D'autres pays, dont notamment le Royaume-Uni, sont allés beaucoup plus loin en procédant à la privatisation plus ou moins complète de leur société des chemins de fer, cette solution étant qualifiée de "maximaliste".

Le Gouvernement luxembourgeois, appuyé en cela par le conseil d'administration des CFL et la "Tripartite Ferroviaire" a opté pour une solution "intermédiaire".

Cette solution intermédiaire part du principe que les CFL seront maintenus dans un statut de "société nationale sui generis". Leurs statuts seront cependant modifiés de façon substantielle afin de tenir compte des changements intervenus dans le capital social et d'alléger les lourdeurs administratives et de gestion. C'est cette société qui sollicitera une licence d'entreprise ferroviaire au sens de la directive 95/18/CE.

A côté des CFL il sera créé une nouvelle société commerciale, régie par les dispositions de la législation sur les sociétés commerciales. Cette société aura pour objet social d'effectuer des transports de fret par rail et sollicitera à son tour une licence d'entreprise ferroviaire.

Dans le but d'une plus grande efficacité, le Conseil d'Etat aurait souhaité une réforme des CFL plus prononcée, allant dans le sens d'une plus large privatisation. Vu les tares du passé qui continueront encore pendant longtemps à grever les bilans des CFL, notamment en raison de la charge des salaires et pensions de ses agents, assimilés aux fonctionnaires, des dettes accumulées et du peu d'intérêt, réel ou supposé, des investisseurs potentiels susceptibles d'accquérir des parts dans les CFL, le Conseil d'Etat se rend cependant compte qu'une privatisation plus poussée ne paraît actuellement pas réalisable.

La réforme des CFL, documentée dans le projet de loi sous avis ainsi que dans les nouveaux statuts et dans le protocole additionnel à la Convention belgo-franco-luxembourgeoise s'articule dès lors autour des idées forces suivantes:

* Les CFL sont maintenus comme unité organique intégrée, mandatée pour gérer l'infrastructure ferroviaire et compétente pour effectuer des transports de marchandises et de voyageurs par chemin de fer;

* La société gardera son statut légal de société publique, mais verra sensiblement allégée ses contraintes administratives actuelles;

* La situation financière de la société sera consolidée par suite de l'augmentation de son capital à 14 milliards de francs, cette augmentation du capital étant réalisée partiellement par l'incorporation de différentes réserves et provisions bilantaires et partiellement par des apports de l'Etat luxembourgeois, notamment par la reprise par ce dernier de la charge de la dette des CFL arrêtée au 31 décembre 1996.

Il est à noter que par suite de la non participation des parties belge et française dans l'augmentation de capital, les participations de l'Etat belge et de l'Etat français passeront à respectivement 4% et 2% du capital des CFL, les 94% restants revenant à l'Etat luxembourgeois;

* Pour compenser la cession des immobilisés de la partie du domaine ferroviaire relevant de l'infrastructure ferroviaire, activés dans le bilan des CFL et devenus la pleine propriété de l'Etat luxembourgeois par la loi du 10 mai 1995 relative à la gestion de l'infrastructure ferroviaire, les CFL obtiendront la pleine propriété de la partie du domaine ferroviaire relevant de l'exploitation. L'inventaire complet des immeubles bâtis et non bâtis revenant à ce titre aux CFL est annexé à la loi pour en faire partie intégrante.

* La tutelle administrative exercée par le Gouvernement sur les actes de disposition et de gestion courante sera remplacée par un droit de regard et de veto attribué à un commissaire du Gouvernement;

* La coopération ferroviaire avec la Belgique et la France sera poursuivie, malgré la dilution de la participation des Etats belge et français dans le capital des CFL;

* Le statut public du personnel des CFL est confirmé, et l'Etat continuera à assumer la charge principale des pensions. Par ailleurs, une participation financière de l'Etat, limitée dans le temps (12 ans) aux dépenses des CFL qui résultent du statut public de leur personnel pourra être convenue entre l'Etat et les CFL;

* Enfin, en cas de dissolution de la société, l'actif net reviendra à l'Etat luxembourgeois après apurement du passif et indemnisation des coparticipants belge et français de leurs parts respectives dans l'actif net de la société.

Pour la motivation détaillée des différentes mesures prévues par la réforme envisagée, le Conseil d'Etat renvoie à l'exposé des motifs fort détaillé à la base du projet de loi sous avis. Il en est ainsi spécialement des développements concernant l'augmentation du capital, des nouvelles structures organiques des CFL et de la tutelle de l'Etat.

Examen des articles.

Remarque liminaire:

Seul le dispositif d'un projet de loi étant soumis à l'approbation de la Chambre des députés, tant les visas que le début de la formule de promulgation figurant actuellement au projet de loi sont à omettre.

Intitulé:

Comme le projet de loi ne comporte pas seulement approbation du protocole additionnel à la Convention belgo-franco-luxembourgeoise et des nouveaux statuts des CFL et fixe les modalités financières de la participation de l'Etat, mais comporte également modification d'une disposition de la loi du 10 mai 1995, il convient d'ajouter à l'intitulé de la loi, un quatrième point libellé comme suit:

" 4° portant modification de la loi du 10 mai 1995 relative à la gestion de l'infrastructure ferroviaire."

Article 1er.-

Cet article a pour objet de porter approbation, d'une part, du protocole additionnel de la Convention belgo-franco-luxembourgeoise relative à l'exploitation des chemins de fer luxembourgeois et, d'autre part, des nouveaux statuts des CFL, documents qui sont publiés en annexe au projet de loi sous avis.

Le libellé de l'article 1er ne donne pas lieu à observation de la part du Conseil d'Etat, sauf qu'il convient d'indiquer, au premier tiret, la date exacte de la signature du protocole additionnel dont question, à savoir le 28 janvier 1997.

Le protocole additionnel, qui prend la forme d'un Traité multilatéral entre les trois Etats concernés a été signé dans les formes prescrites par les Constitutions des Parties Contractantes. Au fond, il tient compte des nouvelles orientations données aux activités des CFL exprimées dans leurs nouveaux statuts, et notamment du nouveau rapport des forces entre Parties Contractantes à la suite de la dilution des participations des Parties belge et française dans le capital social des CFL.

Les nouveaux statuts des CFL s'apparentent très largement aux statuts usuels d'une société commerciale, tout en tenant compte des spécificités voulues par le législateur au regard de la structure interne de la société, spécificités découlant de son statut particulier d'entreprise publique.

Le libellé, tant du protocole additionnel que des nouveaux statuts ne donne pas lieu à observation. Le Conseil d'Etat tient toutefois à relever que d'après son article 8, le protocole additionnel sera ratifié par les Parties Contractantes en conformité avec leurs règles constitutionnelles respectives. Les instruments de ratification seront déposés aux archives du ministère des Affaires étrangères luxembourgeois et le protocole additionnel entrera en vigueur le jour du dépôt de la dernière ratification.

Pour la Partie luxembourgeoise, la ratification du protocole se fait par l'adoption de l'article 1er du projet de loi sous avis. Mais qu'en sera-t-il de la ratification du même protocole par les Parties belge et française? Est-ce que ces Parties seront en mesure de procéder aux formalités de ratification requises par leurs Constitutions respectives et au dépôt des instruments de ratification avant l'entrée en vigueur du projet de loi sous avis? A la date de l'adoption du présent avis, le Conseil d'Etat ignore la situation de fait à cet égard dans les pays concernés. Sur base des notes verbales échangées lors de la signature du protocole additionnel, le Conseil d'Etat a toutefois pu se convaincre que la non ratification du protocole par l'une des Parties en cause avant l'adoption du projet de loi sous avis n'a guère d'effet sur sa mise en application.

Article 2.-

Cet article confère compétence au Gouvernement, représenté par son membre ayant les chemins de fer dans ses attributions, d'exercer pour compte de l'Etat luxembourgeois les droits et devoirs revenant à celui-ci en tant que coparticipant des CFL et à poser les actes relevant de cette compétence.

Comme les statuts des CFL doivent être approuvés par la loi, il n'est que logique que toute modification ultérieure apportée auxdits statuts est également soumise à la procédure d'approbation par la loi. Il en va de même en cas de dissolution de la société.

Le Conseil d'Etat est en mesure d'approuver le texte proposé, sauf qu'il convient de remplacer au premier alinéa les termes " pour lequel agit le ministre qui a les chemins de fer dans ses attributions," par les termes plus appropriés "pour lequel agit son membre qui a les chemins de fer dans ses attributions,". Il n'est en effet pas requis que les compétences sur les chemins de fer soient accordées à un membre du Gouvernement ayant le titre de ministre. Par ailleurs, il n'appartient pas au législateur d'interférer dans les compétences du Grand-Duc d'organiser son Gouvernement.

Article 3.-

Cet article prévoit que certains immeubles bâtis et non bâtis , figurant sur une liste qui est annexée à la loi, et qui en application de la loi du 10 mai 1995 relative à l'infrastructure ferroviaire relevaient du domaine de l'Etat, reviennent en pleine propriété aux CFL. Il s'agit en fait des enceintes des cinq principales gares des CFL de Luxembourg, d'Ettelbruck, d'Esch-sur-Alzette, de Bettembourg et de Pétange. Il est à noter que s'agissant de l'enceinte de la gare de Luxembourg, les deux rotondes implantées du côté Est des voies de la gare ont été exclues de la transaction de sorte qu'elles resteront la pleine propriété de l'Etat en vue d'une réaffectation à décider.

L'article prévoit encore que la valeur des immeubles rétrocédés sera déterminée par un réviseur d'entreprise, que les immeubles ainsi transférés ne peuvent être changés d'affectation et que les CFL sont obligés de mettre leurs facilités dans ces immeubles à la disposition d'autres entreprises ferroviaires ayant accès au réseau luxembourgeois en application des dispositions communautaires afférentes.

Enfin l'article prévoit un droit de préemption au bénéfice de l'Etat sur les immeubles ainsi cédés. En outre, et pour la seule enceinte de la gare de Luxembourg, l'Etat bénéficie d'un droit de passage sur les propriétés des CFL en vue du raccordement de cette gare au futur réseau européen de la grande vitesse ferroviaire et pour la mise en service d'un tram régional.

Le Conseil d'Etat est en mesure d'approuver l'ensemble des mesures prévues à l'article 3, dont le libellé ne donne pas lieu à observation.

Il se demande cependant si l'Etat n'aurait pas dû se ménager d'autres servitudes de passage dans d'autres gares que celles de Luxembourg en vue de faciliter la réalisation future du raccord au réseau à grande vitesse et du tram régional, par exemple dans l'enceinte de la gare de Bettembourg, très probablement touchée par les projets en question.

Article 4.-

Cet article a trait à la participation de l'Etat dans le désendettement des CFL. Il est prévu qu'en contrepartie de sa participation au remboursement de la dette des CFL, arrêtée au 31 décembre 1996 à la somme de 4.346.829.261 francs, l'Etat se voit attribuer une participation dans le capital des CFL d'un même montant.

Le Conseil d'Etat peut marquer son accord à l'égard de pareille démarche. Il estime cependant que le libellé de l'article 4 ne reflète pas exactement l'intention à la base de cette démarche et est pour partie en contradiction avec la situation telle que décrite dans l'exposé des motifs.

Il convient d'abord de préciser que ce n'est pas le Gouvernement qui participe au désendettement des CFL, mais bien l'Etat, représenté par le Gouvernement, conformément à l'article 2 du projet de loi.

D'autre part, il ne résulte pas clairement du texte proposé, si la participation de l'Etat dans la dette des CFL sera totale ou partielle, c'est-à-dire si elle portera sur la totalité de la dette en principal et intérêts, ou sur la totalité en principal et seulement sur une partie des intérêts, ou même sur une partie seulement du principal et des intérêts.

Il en va de même de la contrepartie, c'est-à-dire de la participation dans le capital des CFL. Est-ce que les parts attribuées à l'Etat seront uniquement valorisées par rapport au principal pris en charge, ou est-ce que la prise en charge partielle ou totale des intérêts donnera également droit à des parts dans le capital?

D'après l'exposé des motifs, "La participation étatique au désendettement des CFL consistera dans le remboursement du principal jusqu'à extinction de la dette au 31 décembre 2004 et dans une prise en charge des intérêts. En contrepartie le nombre des parts sociales augmentera pour un montant équivalant au moins au principal de la dette." Le Conseil d'Etat en conclut que l'intention des auteurs était la prise en charge totale de la dette des CFL telle qu'arrêtée au 31 décembre 1996, principal et intérêts compris. Que par contre les parts en capital attribuées à l'Etat en contrepartie sont limitées à la valeur du principal de la dette.

En vue de clarifier la situation, le Conseil d'Etat propose de libeller l'article 4 comme suit:

"L'Etat prend en charge le principal et les intérêts la dette des CFL dont le montant en principal est arrêté à 4.346.829.261 francs au 31 décembre 1996. Le remboursement par l'Etat de la dette ainsi déterminée se fera par tranches successives jusqu'au 31 décembre 2004. En contrepartie, l'Etat reçoit des parts dans le capital social des CFL pour un montant équivalant au principal de cette dette. Les parts ainsi attribuées acquises sont cessibles sous les conditions et dans les limites prévues par les statuts des CFL."

Article 5.-

Cet article autorise l'Etat, en sus de sa participation dans le désendettement des CFL, à participer à une augmentation du capital social pour un montant de 1.433.400.000 francs. Il échet partant d'omettre le terme "maximum", le capital final étant suffisamment précisé dans les statuts et son mode de calcul et sa répartition étant explicités dans l'exposé des motifs.

Pour les raisons développées ci-avant sous l'article 4, le Conseil d'Etat propose par ailleurs de remplacer les termes "le Gouvernement" par les termes plus appropriés "l'Etat".

Article 6.-

Cet article prévoit, en son premier paragraphe, une exonération des droits d'apport et d'enregistrement pour les opérations financières réalisées en application des articles 3 à 5 du projet de loi. Son libellé ne donne pas lieu à observation.

Le deuxième paragraphe permet au CFL d'émettre des emprunts, qui peuvent bénéficier de la garantie de l'Etat, pour les besoins de la gestion de l'infrastructure ferroviaire ou pour l'acquisition de l'équipement requis pour la prestation de services publics dans le domaine des transports par chemin de fer.

Il résulte de l'exposé des motifs que la garantie de l'Etat ne saurait jouer que pour les emprunts ainsi visés et ne saurait être accordée pour des emprunts contractés par les CFL pour leurs propres besoins industriels ou commerciaux.

Compte tenu de l'amendement présenté par le Gouvernement le 13 février 1997, le Conseil d'Etat ne s'oppose pas au libellé du paragraphe deux tel qu'amendé.

Pour le cas ou la Chambre des députés ne suivrait pas la proposition de texte amendé, le Conseil d'Etat devrait cependant s'opposer formellement au maintien du libellé du paragraphe 2 tel que proposé initialement. En n'indiquant aucune limite maximum de la garantie de l'Etat, le texte proposé serait contraire aux exigences de la deuxième phrase de l'article 99 de la Constitution qui dispose que "Aucun emprunt à charge de l'Etat ne peut être contracté sans l'assentiment de la Chambre."

Il est vrai que les emprunts visés au paragraphe 2 ne sont pas directement contractés par l'Etat. Il relève cependant de la nature même de la garantie de l'Etat qu'en cas de défaillance par l'emprunteur de respecter ses engagements, la garantie de l'Etat viendrait à jouer, ce qui pratiquement mettrait l'Etat dans la même situation que s'il avait émis l'emprunt lui-même . Il en résulte, que d'après le Conseil d'Etat, le principe énoncé à la deuxième phrase de l'article 99 de la Constitution trouve application.

Article 7.-

Cet article permet à l'Etat, pendant 12 ans à partir de l'entrée en vigueur de la loi, d'attribuer des subventions aux CFL pour le surcoût qui résulte dans leur compte d'exploitation "de l'application des dispositions légales concernant le statut public de leur personnel et comportant des charges pécuniaires que ne supporte normalement pas une entreprise industrielle ou commerciale." La nécessité de devoir maintenir, pendant des années encore, cette forme d'aide, pudiquement circonscrite comme "concours financier" par les auteurs du projet, résulte d'une politique salariale maintes fois critiquée par le Conseil d'Etat. Le Conseil d'Etat n'entend pas s'opposer à la mesure proposée, pour autant qu'elle résiste à l'appréciation critique des autorités communautaires compétentes en la matière.

Le Conseil d'Etat voudrait cependant limiter la portée de l'article 7 au seul surcoût généré par le statut public des agents des CFL. Aussi propose-t-il de supprimer le mot "notamment" utilisé dans le texte du paragraphe premier. Sous cette réserve, la rédaction de l'article 7 ne donne pas lieu à observation.

Article 8.-

Cet article prévoit que les CFL cotisent à charge des retraites et pensions de leurs agents à raison de 16% de leur masse salariale, déduction faite des prélèvements à charge des agents en application de la législation en vigueur. Le solde de la charge des retraites et pensions des agents des CFL est pris en charge par l'Etat.

Le taux de 16% correspond au taux actuel des cotisations du régime des pensions du secteur contributif. A défaut de détails plus explicites dans l'exposé des motifs, le Conseil d'Etat suppose que le projet se réfère à ce taux. Il s'interroge partant si une modification ultérieure du taux du régime contributif ne devrait pas entraîner une modification corrélative du taux indiqué à l'article 8.

Le libellé de cet article ne donne pas lieu à observation.

Article 9.-

Cet article prévoit la création d'un poste de commissaire du Gouvernement auprès des CFL, en fixe les compétences et attributions et précise son classement dans le cadre du barème des fonctionnaires de l'Etat.

Le Conseil d'Etat en est à se demander si la création d'un poste de commissaire du Gouvernement ne s'inscrit pas en porte à faux avec un des éléments principaux de la philosophie générale à la base du projet de loi, à savoir celui consistant à accorder aux CFL une autonomie de gestion plus large que par le passé. Est-ce que dans cette optique l'existence d'un commissaire du Gouvernement se justifie encore? Est-ce qu'elle se justifie encore au regard du fait que de toute façon la position du Gouvernement luxembourgeois se verra renforcée au niveau du conseil d'administration des CFL à la suite de la non participation des Parties belge et française dans l'augmentation du capital des CFL et de la réduction conséquente du nombre des administrateurs belges et français au conseil?

L'institution du commissaire du Gouvernement près les CFL a son fondement dans l'article 7 de l'actuel cahier des charges qui sera abrogé. Le maintien dans le cadre du présent projet de loi de la fonction de commissaire du Gouvernement est motivé par le remplacement de l'approbation ministérielle ex post des actes posés par les CFL par un droit de regard et de veto attribué au commissaire.

Le Conseil d'Etat accepte cette motivation comme fondée et il ne s'oppose partant pas au maintien de la fonction de commissaire du Gouvernement près les CFL avec les attributions et compétences telles qu'énoncées au premier paragraphe de l'article 9.

Par contre, il ne voit aucun argument valable justifiant la création d'un poste de fonctionnaire d'Etat ad hoc, repris dans le cadre de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l'Etat, avec toutes les conséquences légales qui en découlent. Pour le Conseil d'Etat la création d'un poste de fonctionnaire d'Etat ne se justifie que si son titulaire remplit ses fonctions à titre principal et à temps complet. Vu l'étendue relativement étroite des compétences et attributions réservées par la loi au commissaire du Gouvernement près les CFL, le Conseil d'Etat peut difficilement s'imaginer que ces tâches nécessitent la création d'un poste de fonctionnaire à temps complet. Aussi, le Conseil d'Etat recommande-t-il de ne pas innover en la matière et de procéder comme dans d'autres domaines en confiant la fonction de commissaire du Gouvernement à titre accessoire à un haut fonctionnaire de l'administration gouvernementale. Le Conseil d'Etat ne s'oppose nullement à ce qu'une rémunération supplémentaire adéquate à son traitement soit accordée au fonctionnaire chargé de cette tâche accessoire et que cette rémunération supplémentaire soit mise à charge des CFL.

Pour le cas où le législateur n'était pas en mesure de suivre la proposition du Conseil d'Etat sur ce point, et qu'il entendait procéder à la création de la fonction de commissaire du Gouvernement conformément au paragraphe 2 de l'article 9, le Conseil d'Etat donne à considérer que le classement de la fonction à l'annexe A de la loi modifiée du 22 juin 1963 sous la rubrique VI, Fonctions à indice fixe, au grade S1, lui apparaît comme surfait. Un classement de la fonction de commissaire du Gouvernement près les CFL au grade de traitement le plus élevé de toute la structure des traitements de la fonction publique risque en effet de créer un précédent susceptible d'entraîner des revendications de reclassement de la part d'autres hauts fonctionnaires qui pourraient aisément établir que les fonctions qu'ils occupent sont au moins aussi importantes et chargées de responsabilités que celles d'un commissaire du Gouvernement près les CFL. Faut-il rappeler que la très grande majorité des fonctions de directeur de grandes administrations de l'Etat sont classées au grade 18, voire 17 de la classification des traitements? Faut-il encore rappeler que la plupart des commissaires du Gouvernement qui figurent au tableau barémique des traitements sont classés au grades 16 et 17?

Pour le cas où le législateur entendait suivre la proposition principale du Conseil d'Etat, le libellé du premier paragraphe de l'article 9 tel que proposé par ses auteurs ne donne pas lieu à observation, sauf qu'il convient de limiter dans le temps la durée de validité de la nomination du commissaire.

Le Conseil d'Etat propose à cet égard de s'inspirer de la disposition afférente au commissaire de surveillance de la Banque et Caisse d'Epargne de l'Etat ( art. 28 (1) et (9) de la loi du 28 mars 1989 sur la B.C.E.E.) et de remplacer le 1er alinéa de l'article 9 par le texte suivant:

"Il est institué un poste de commissaire du Gouvernement près les CFL. Le commissaire est nommé par arrêté du Gouvernement en conseil, sur proposition du ministre, pour un terme ne dépassant pas trois ans. Son mandat est renouvelable."

Par contre, le deuxième paragraphe serait à biffer et à remplacer par le texte suivant:

" 2. L'indemnité à allouer au commissaire est fixée par le Gouvernement en conseil. Cette indemnité est à charge des CFL."

Pour le cas où le législateur se prononçait en faveur de la création d'un poste définitif de commissaire du Gouvernement au titre de la législation régissant le statut et les traitements des fonctionnaires de l'Etat, option que le Conseil ne recommande pas pour les raisons développées ci-dessus, l'article 9 serait à modifier en conséquence.

Il convient d'abord de ne pas heurter la règle constitutionnelle d'après laquelle le Grand-Duc nomme aux emplois civils et militaires (art. 35 de la Constitution). La nomination du commissaire devrait dès lors s'effectuer, non par arrêté du Gouvernement en conseil, mais par arrêté grand-ducal.

Le Conseil d'Etat estime par ailleurs que le candidat à la fonction de commissaire de Gouvernement près les CFL devrait au moins remplir les conditions de nomination d'un fonctionnaire de la carrière supérieure de l'Etat.

Le premier alinéa du paragraphe 1. serait partant à libeller comme suit:

" Il est institué un poste de commissaire du Gouvernement près les CFL. Le commissaire est nommé par arrêté grand-ducal. Pour pouvoir être nommé commissaire, le candidat doit remplir les conditions pour l'accès aux fonctions administratives de la carrière supérieure auprès des administrations de l'Etat prévues par la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut des fonctionnaires de l'Etat et avoir l'honorabilité professionnelle nécessaire ainsi que l'expérience adéquate pour l'exercice de la fonction."

Les alinéas suivants du premier paragraphe ne donnent pas lieu à observation.

Quant au deuxième paragraphe, il convient de remplacer:

- au premier alinéa la mention "....au grade S1 de la rubrique VI "Fonctions à indice fixe"..." par la mention " au grade 17 de la rubrique I. Administration générale..."

- au deuxième alinéa la mention "....Rubrique VI, Fonctions à indice fixe" au grade S1...", par la mention "....Rubrique I. Administration générale" au grade 17...".

Articles 10.- et 11.-

Sans observation.

Sous réserve du respect des observations qu'il a présentées ci-dessus, le Conseil d'Etat est en mesure d'approuver globalement le projet de loi sous avis.

Ainsi délibéré en séance plénière le 18 février 1997.

Le Secrétaire général, Pour le Président,

Le Vice-Président

s. Emile Franck s. Raymond Kirsch